#VisionNumérique / Premières réponses

La démarche lancée au cours des dernières semaines autour des questions sur le numérique adressées aux partis politiques est intéressante à plusieurs niveaux. Elle permet d’une part d’offrir un éclairage supplémentaire à une thématique qui peine toujours à trouver sa place dans l’espace politique. Elle offre aussi l’opportunité pour certains citoyens, intéressés et impliqués dans le numérique, de contribuer à la réflexion collective. Ce qui est tellement  important.

Les points de pression de la transformation numérique sont nombreux. Nous sommes en grande partie des cobayes consentants d’une transformation sans objectif ni direction connue, déterminée en grande partie par l’agenda d’affaires d’une poignée de grandes technos. Tout espace de réflexion qui s’interroge sur les sources et le sens de ces changements est, selon moi, très précieux. Émettre des idées et discuter, analyser les changements, partager les expériences sera toujours plus positif que la crainte, le cynisme ou la résignation. Nous sommes donc ravis de voir se multiplier les contributions spontanées de personnes issues de la communauté numérique.

En date d’aujourd’hui, 3 partis nous ont remis leur réponse (CAQ, QS et PQ). Nous souhaitons voir le dernier (PLQ) s’ajouter d’ici peu.

Vous pouvez consulter les réponses des partis à partir de cette page sur Medium: La #visionnumérique des partis politiques québécois. Vous êtes invités à lire, partager, commenter les positions des partis politiques. Petit rappel pour ceux et celles qui auraient ratés pourquoi nous publions les réponses sur Medium :  Nos questions aux partis politiques et le DGEQ (et ici, et ).

Quelques contributions intéressantes

Quelques personnes de la communauté numérique ont spontanément répondu aux questions proposées aux partis. Voici leur contribution: 
– Carl-Frédéric De Celles : De la campagne et du numérique
– Pierre-Luc Lachance : Le réveil de l’Ami Raton
– Patrice-Guy Martin: Huit réponses à huit questions sur le numérique
– André Bélanger : Quelques réponses aux questions sur le numérique pour les partis politiques

– Jean-Robert Bisaillon:  Élections québécoises 2018, environnement, politique culturelle et troisième révolution industrielle (il ne s’agit pas de réponses aux questions, mais d’une réflexion qui s’inspire du même questionnement et de la même démarche.

Rappel de la démarche:

Clément Laberge:
Quelle vision (numérique) pour le Québec?
Huit questions sur le numérique pour les partis politiques

Martine Rioux:
Le numérique en questions
– Le numérique en questions… la suite
– 8 questions pour une vision numérique

Yves Williams:
Des élections et du numérique
Plus que 2 semaines…
8 questions sur le numérique aux partis politiques

D’autres billets, contributions et réponses de partis vont s’ajouter d’ici quelques jours. Stay tuned! 


Photo by G. Crescoli on Unsplash

Nos questions aux partis politiques et le DGEQ

Le DGEQ vient-il de modifier les règles de la participation citoyenne à laquelle nous nous étions habitués? En envoyant une mise en demeure à Équiterre, l’enjoignant de retirer son analyse des programmes des partis politiques en matière d’environnement, le DGEQ vient ébranler une certaine tradition de nombreux intervenants de la société civile qui consiste à inviter des représentants de partis à débattre, à participer à des rencontres, à remplir des questionnaires.

Difficile de dénombrer le nombre d’événements ou d’actions à caractère politique qui sont organisés à travers la province durant une campagne électorale. Certains avec des objectifs très généreux qui visent à rendre plus visibles des thématiques complexes qui ne se retrouveraient jamais sur la place publique autrement; d’autres, comme la majorité des rencontres dans les chambres de commerce, qui sont des activités de financement lucratives pour l’organisateur.

Cette année, le DGEQ semble vouloir tracer un trait. On ne sait pas encore précisément ce que ce trait délimite, mais assurément le trait est en gros BOLD, et ses implications seront importantes : « Un citoyen qui compilerait sur son blogue personnel – pour lequel il paie des frais d’hébergement – les promesses électorales des quatre partis politiques, sans les commenter ou les comparer, s’exposerait-il au même traitement de la part du DGEQ? «Oui», a confirmé Pierre Reid à deux reprises lors d’une entrevue téléphonique avec le HuffPost Québec mercredi après-midi. »

Dans un tel scénario, l’espace de débat citoyen vient de fondre radicalement.

On peut s’interroger : en demandant spécifiquement à Équiterre de retirer de ses serveurs les documents litigieux, en faisant le même type de demande à la CSQ – qui avait fait une analyse comparée des programmes des partis – , en affirmant que tout citoyen pourrait faire l’objet d’une même mise en demeure s’il mettait en ligne certains documents qui analysent les partis, le DGEQ semble cibler très spécifiquement les nouveaux supports numériques.

Des informations de très haute qualité, impartiales, minutieuses sont générées par la société civile. La couverture des élections ne peut être réalisée par les seuls médias. Surtout pas aujourd’hui au moment où les médias d’information sont affaiblis et n’ont pas nécessairement les moyens de suivre les campagnes, les conférences de presse, produire des débats, faire des analyses de fond. Surtout plus aujourd’hui où les capacités d’analyse sont partout dans la société civile et les moyens de diffusion accessible et sont peu coûteux, voire gratuit. 

Ne pas permettre ce canal (à l’intérieur de balises précises), c’est laisser toute la place aux rumeurs, à la désinformation et aux fake news, plutôt qu’une information juste et impartiale. C’est mettre le couvercle sur des bénéfices tangibles de la culture des données.

Le DGEQ devra refaire ses devoirs de toute urgence et mettre son calendrier à l’an 2018.

Nos questions…

Ce petit préambule pour indiquer que notre démarche entamée auprès des partis politiques, pour qu’ils répondent à notre questionnaire, se poursuit.

Toutefois, pour qu’il soit clair que nous n’engageons aucuns frais d’aucune sorte, nous ferons paraître les réponses sur la plateforme Medium, qui est gratuite. Aussi ridicule que ça. Dommage!

La publication des réponses débutera ce week-end.

D’ici là, stay tuned!


Photo by Agence Olloweb on Unsplash

Huit questions sur le numérique pour les partis politiques

Depuis quelques jours, vous avez lu quelques bribes sur notre projet de sonder la vision politique des porte-paroles numériques des 4 principaux partis engagés dans cette élection provinciale. Je publie ici la liste des questions préparées avec l’aide de Clément Laberge et de Martine Rioux. Ceux-ci publieront aussi sur leur blogue ces mêmes questions avec leur propre présentation du projet conjoint.


RAPPEL

En 1995, lors de l’allocution de présentation du rapport sur l’autoroute de l’information, qui allait marquer les premiers pas du gouvernement du Québec dans le monde numérique, Jacques Parizeau lançait cette phrase : « Il faut se brancher pour construire, et non pour subir, la révolution du savoir ». Il soulignait ainsi l’exigence pour tout gouvernement d’être à l’avant-scène de l’initiative et de l’action s’il souhaite insuffler une direction aux transformations qui traversent nos sociétés. En 2018, plus que jamais, la transformation numérique fait son œuvre; et l’exigence d’être alerte face aux changements sociaux qui en découlent est toujours à l’ordre du jour. Nos partis politiques sont-ils bien outillés pour faire face aux défis numériques qui se dressent devant nous?

Depuis le début de la campagne électorale, l’avenir numérique du Québec n’a pas eu la chance de prendre beaucoup d’importance dans l’agenda électoral. Pas autant que nous aurions pu l’espérer, du moins. Pourtant, cette année, nous avons la chance de compter parmi les candidats des personnes ayant développé une expérience solide et diversifiée face aux défis de la transformation numérique. Malheureusement, le déroulement de la campagne ne leur a pas permis de mettre de l’avant la vision numérique qu’ils seraient en mesure de déployer.

À travers notre démarche, nous avons voulu leur offrir une tribune à ces candidats pour mieux nous éclairer sur ce qui les anime et mettre en valeur ce qui les différencie.  Martine, Clément et moi avons préparé un court questionnaire remis aux 4 porte-paroles numériques, en les invitant à nous répondre par écrit. Chacun à son rythme et selon son horaire; sans les contraintes des débats contradictoires.

Nous avons donc conçu ces questions comme des tremplins pour les aider à illustrer la philosophie politique à l’égard du numérique au Québec qui sous-tendra leurs actions lorsqu’ils auront à faire des choix, une fois élus.


QUI

Ont reçu les questions soit directement ou via leur attaché de presse :

  • Mario Asselin (CAQ) – candidat de Vanier-Les Rivières
  • Dominique Anglade (PLQ) – candidate et députée de Saint-Henri-Sainte-Anne, ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation, ministre responsable de la Stratégie numérique
  • Michelle Blanc (PQ) – candidate de Mercier
  • Vincent Marissal (QS) – candidat de Rosemont


COMMENT

Les questions ont été distribuées voilà maintenant une semaine. Il n’y a pas d’échéance pour la production des réponses; nous sommes très bien conscients des contraintes auxquelles sont confrontées les candidats. Chacun a reçu comme information qu’aujourd’hui, le mardi 18 septembre, les questions seraient rendues publiques et qu’au cours des prochains jours seront publiées les réponses, au fur et à mesure de leur réception.

Huit thématiques composent le questionnaire. Mais nous avons demandé aux candidats de ne répondre qu’à 5 d’entre elles; celles qui leur permettront de mieux exprimer leur vision politique du numérique.


VOTRE PARTICIPATION

Nous invitons la communauté numérique à partager les questions et les réponses, ainsi qu’à les commenter sur l’un ou l’autre de nos blogues (ici, ou sur le blogue de Martine ou sur le blogue Clément), ou sur vos réseaux sociaux préférés.

Nous vous invitons aussi à utiliser le hashtag: #visionnumerique.


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LES QUESTIONS


A – INNOVATION

L’innovation est au cœur des discussions lorsqu’on parle de l’avenir numérique. Tout le monde y est favorable.

Sauf que quand de nouvelles pratiques économiques émergent à la suite de certaines innovations, les pouvoirs publics peuvent se trouver rapidement démunis.

On a qu’à penser à la difficulté du gouvernement à se faire une opinion sur la meilleure stratégie à prendre face à Uber. La question est d’actualité, car le projet-pilote qui devait durer une année (et qui en a finalement pris deux) arrive à terme en octobre, tout juste après les élections.

Que proposez-vous pour que les beaux discours en faveur de l’innovation ne s’évanouissent pas chaque fois que que l’innovation se transforme en très profonds et très rapides bouleversements sociaux ou industriels?


B- STRATÉGIE NUMÉRIQUE ET ADMINISTRATION PUBLIQUE

On entend beaucoup d’insatisfaction par rapport à la manière dont l’administration publique a intégré les technologies numériques jusqu’à présent. L’administration publique qui n’est pas particulièrement reconnue pour son agilité, sa transparence et son innovation. Est-ce justifié selon vous? Pourquoi? Quel geste faudra-t-il poser pour transformer le fonctionnement de l’État de manière à ce qu’il utilise plus efficacement le numérique?

[Question au PQ, à la CAQ et à QS]

Le gouvernement a déposé une stratégie numérique en décembre dernier. Ce document sera-t-il un point de départ pour votre action ou envisagez-vous déjà de mettre cette stratégie de côté pour établir de nouvelles orientations prioritaires? Le cas échéant, quelles seraient-elles?

[Question au PLQ]

Vous avez présenté la stratégie numérique en décembre. Comment évaluez-vous à  ce stade l’atteinte de vos objectifs de transformation numérique? Comment comptez-vous aller plus loin si vous formez le prochain gouvernement?


C- ACCÈS À L’INFORMATION  

C’est pas mal unanime: la loi d’accès à l’information, et les processus qui lui sont associés, sont de plus en plus désuets — et les plus récentes tentatives de mise à jour se sont soldées par un échec.

Dans ce contexte, ne serait-il pas plus simple de définir par une loi-cadre qui précise que que tous les documents produits par l’État québécois doivent être publics et accessibles sans restriction dans un délai raisonnable, à moins de justifications explicites? Et sinon, pourquoi?

En complément, y a-t-il un lien, de votre point de vue, entre la loi d’accès à l’information, une politique de données ouvertes et l’utilisation de logiciels à codes sources ouverts/libres par l’administration publique?


D-  COMMERCE EN LIGNE

Le défi du commerce en ligne est complexe. Les difficultés actuelles ne tiennent pas seulement dans la timidité des commerçants locaux à faire le virage qui s’impose pour suivre leur clientèle. Le défi tient aussi à la concentration très forte dans le commerce en ligne dans les mains de quelques gros joueurs. Ex. 50% du commerce en ligne américain passe présentement par la plateforme Amazon.

Doit-on encourager en priorité la transformation numérique des commerçants par programmes d’accompagnement, de transfert de connaissances (et de compétences) avec un plus grand soutien financier?

     ou

Doit-on plutôt encourager en priorité des solutions innovantes (privées ou publiques) qui misent sur la mutualisation de ressources et de services pour offrir aux commerçants des environnements logistiques qui les rendraient plus concurrentiels ?

     ou

Doit-on au contraire laisser les entreprises s’adapter en fonction des forces du marché?


E- CULTURE

Croyez-vous que le numérique sera globalement positif ou négatif pour les créateurs québécois? Il s’agit plutôt d’une menace ou d’une opportunité pour notre culture nationale?

Dans ce contexte, comment les nouvelles formes de diffusion des produits culturels reconfigurent-elles notre identité culturelle? Doit-on revoir notre façon de penser et définir notre culture nationale?

Faut-il modifier les systèmes sur lesquels s’appuient nos industries culturelles (quotas, subventions, crédits d’impôt, etc.) pour tenir compte de cette nouvelle réalité?


F- DÉMOCRATIE

Nous sommes face à un étrange paradoxe :  celui d’une société instruite comme jamais dans l’Histoire, mais en pleine crise de confiance face au pouvoir politique et ses institutions. Cela, malgré tous les outils de communication et de réseautage à notre disposition.

Comment le numérique peut favoriser l’engagement et la participation positive des citoyens dans la vie démocratique?

Comment la transformation du fonctionnement de l’État peut-elle aider à réduire cette crise de confiance?


G- ÉDUCATION

Un peu partout à travers le monde, on voit se multiplier de nouvelles institutions d’enseignement (principalement privées), de niveau collégial et universitaire.

Est-ce une bonne idée pour le Québec de répondre à cette tendance avec un service concurrent (type eCampus)? Pourquoi?

Et si, oui, quels devraient être les objectifs de ce service? Quelles priorités devraient guider son développement?


H. DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL

On parle peu de numérique et de développement régional, sauf en matière d’investissement pour l’emploi. Comment l’utilisation des technologies numériques peut-elle contribuer à soutenir et raffermir les économies régionales?

Concrètement, comment la mise en réseau d’informations, de ressources, de fournisseurs, de données, etc, pourrait créer de nouvelles opportunités économiques? Si oui, de quelle façon croyez-vous pouvoir soutenir ce type d’innovation? Quel rôle le gouvernement devrait-il avoir dans l’initiation de projets structurants qui pourraient consolider les économies locales?

Croyez-vous que le travail à distance et le travail autonome sont des alliés du développement régional? Si oui, comment proposez-vous d’agir pour soutenir le développement de ces nouvelles formes de main d’œuvre?

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Le PQ, la CAQ, Tinder et l’administration publique

J’attends le jour où les porte-paroles des principaux partis s’affronteront sur ce thème majeur : « comment rebooter l’administration publique »; où chacun défendra sa version de la réforme de l’État. J’imagine QS défendre les principes de l’État-Lab; le PQ, les mérites de l’État-Plateforme; le PLQ, la nécessité de poursuivre la transformation numérique entamée au cours des dernières années; la CAQ, qu’il faut rationner les dépenses TI et mieux gérer les contrats pour en finir avec le « bordel informatique ». Et chacun et chacune y allant de ses priorités numériques et de sa compréhension des défis. On est encore loin de cet affrontement qui risque de rester à l’état de fantasmes.

Pour se faire une tête de ce que prévoient nos partis, il nous faudra donc nous contenter du dévoilement goutte à goutte des programmes et des mesures que les partis prévoient de mettre en place. Nous n’en sommes qu’aux premières cases de ce calendrier de l’Avent électoral, mais quelques éléments nous donnent déjà une image impressionniste de ce que les partis mijotent pour l’administration publique.


Le PQ

Lundi, le PQ a dévoilé des mesures ambitieuses de soutien au covoiturage. Changer les habitudes de déplacement pour réduire notre impact écologique. Le parti cherche à faire passer le taux d’occupation des voitures aux heures de pointe de 1,2 à 1,4. Moins de voitures en solitaire et plus de partage. Sans doute une excellente mesure écologique, sociale et de mobilité. Et la techno, le numérique dans tout cela, me direz-vous! Voilà, j’y arrive.

Plutôt que d’en rester à la description de cette mesure qui dépeint leur ambition environnementale, le PQ s’est cru obligé d’y ajouter un volet techno. En fait, ce volet est important, car voilà une action de mobilité qui ne peut se réaliser qu’au moyen d’un support technologique. Le covoiturage sécuritaire et contrôlé ne peut se faire qu’au moyen d’une gestion rapide des personnes inscrites et l’analyse des itinéraires soumis par les participants (les conducteurs comme les passagers). Un système de maillage comme il y en a des tonnes dans différents secteurs, par exemple comme le sont Airbnb et Uber.

Ce projet simple illustre ce que le PQ veut faire du numérique: offrir à l’administration publique l’option de développer de nouvelles initiatives. L’innovation au service de l’innovation. Et à impact économique, écologique et social positif. Ce qui est bien.

Mais il a bien sûr fallu que MM. Lisée et Breton s’enlisent dans la techno. D’abord en qualifiant l’application technologique de « Tinder du covoiturage ». Quoi de mieux pour détourner l’attention de tous sur l’application alors qu’il voulait présenter une solution de mobilité, en plus de lui donner une texture franchement caricaturale.

Vous connaissez cette loi de la nature qui dit que les médias fouilleront toujours où ça grince. Et bien là, ça grinçait beaucoup. Il a donc fallu que MM. Lisée et Breton répondent à des questions sur le rôle de cette appli,  en se fourvoyant littéralement à propos de la portée de celle-ci, sur le rôle des partenaires, voire même sur le rôle du gouvernement dans le développement du volet technique. Tout à coup, le gouvernement devenait le lead techno et le concepteur de l’application. De projet écolo-mobilité, on venait de passer à un projet technologique. L’art de faire déraper.

À la fin de la présentation, certains des partenaires pressentis pour participer se sont sentis obligés de rectifier pour dire que: non, c’est pas exactement comme ça devrait se passer.

Notons que la startup de covoiturage Netlift avait déjà présenté la quasi-entièreté de ce projet, avec sensiblement des chiffres équivalents, voilà 6 mois dans le cadre du Forum Startup Innovation. Bien sûr, le PQ n’a pas indiqué l’apport de Netlift dans le projet; ni qu’il endossait le projet initial de Netlift et leurs estimations. Ce qui est bien dommage. Le cafouillage laissait plutôt penser que l’administration publique venait prendre la place des joueurs déjà sur le terrain.

Le cafouillage ne s’est pas arrêté là. Ils ont même réussi à confondre l’application de maillage (genre Netflix) avec une autre plateforme pour unifier l’ensemble des applications technologiques de mobilité urbaine (STM, Taxi, Netlift, Bixi, autopartage, etc.). Cette application est en gestation sous l’égide de la STM qui aimerait bien simplifier la vie des usagers en leur permettant de gérer à un seul endroit tous leurs comptes liés au déplacement. Un autre projet que le PQ, partisan des plateformes numériques endosserait. Le projet de la STM s’appelle Céleste. Le rendu du PQ lors de la conférence de presse était loin d’être céleste.

En fait, ce que le PQ a réussi à montrer, c’est que oui, le parti croit à de nouvelles pratiques qui peuvent naître grâce au numérique; oui  les plateformes pourront les aider dans leur projet; mais non, ce n’est vraiment pas clair pour eux comment celles-ci fonctionnent ni quel est le rôle de l’administration publique dans ce type d’initiative.

On verra bien au cours des prochains jours si la présentation des volets techno de leur projet sera mieux contrôlée.  Mais là, on sentait plus d’opportunisme de la part du PQ qu’un réel sens de l’innovation.


La CAQ

Mardi, la CAQ aura montré que ce n’est pas d’eux que viendra le virage numérique de l’État. On s’y attendait. Là, maintenant, c’est plus clair.

Pour « améliorer » l’administration publique, la CAQ compte réduire les coûts de l’administration publique. On économisera donc en misant sur l’attrition, sur les services informatiques, sur les acquisitions et bien sûr la numérisation des services administratifs qui se fera dans une optique d’économie. Bref, la CAQ le parti du changement, nous propose l’approche dépenser moins et dépenser mieux que plusieurs nous ont servie depuis 20 ans. Comme si le défi de l’administration publique consistait à trouver les bons gestionnaires, comme si l’élection devait se résumer par ce slogan: nous sommes de meilleurs gestionnaires, nous ferons mieux que les autres. Il me semble qu’on l’a souvent vu ce film.

Si certains espéraient encore que l’administration publique soit revue, corrigée et modernisée par la CAQ en instaurant de nouveaux modèles organisationnels et de nouvelles pratiques soutenus par le numérique, vous serez déçus. Ce ne sera pas pour cette fois. La CAQ s’en tiendra aux préceptes de la rigueur managériale, même si cette recette, mise de l’avant par tous les partis, ne semble jamais atteindre ses objectifs puisqu’on y revient toujours.

De toute façon, ce ne sera pas une grande surprise que la CAQ ne se positionne pas comme le leader de l’innovation et du redesign de l’appareil gouvernemental. Ce scénario n’a jamais fait partie de son discours officiel; ils ont toujours privilégié une approche comptable.

Je garde néanmoins en tête que la campagne est loin d’être terminée. Les partis nous réservent peut-être de nouvelles surprises. Alors, stay tuned. Qui sait?

Mes 8 questions…

Comme toujours, Clément Laberge comprend vite et bien. Un de mes derniers billets, « Des élections et du numérique », pouvait se résumer ainsi : les partis politiques peuvent-ils pour une fois aborder les questions numériques en parlant de la vision politique qui les définit? Clément, en garçon très pragmatique, a repris l’idée en produisant une série de 12 questions directes adressées aux porte-paroles numériques des partis politiques; ce qui obligerait chacun (s’ils jouent le jeu)  à proposer des réponses qui seront teintées de leur orientation politique et de leurs valeurs.

La proposition de Clément pourrait ainsi rendre très claire la lecture différente qu’ont les partis politiques de nos défis numériques

Clément nous à invite à contribuer à son questionnaire. Bien sûr, je prends la balle au vol et y ajoute les miennes.

À mon tour de vous inviter à proposer vos questions et en les inscrivant dans le document ouvert qu’il a mis à notre disposition.


Mes questions :


Commerce en ligne :

Le défi du commerce en ligne est complexe. Les difficultés actuelles ne tiennent pas totalement dans la timidité des commerçants locaux à faire le virage qui s’impose pour suivre leur clientèle. Le défi tient aussi à la concentration très forte  dans le commerce en ligne dans les mains de quelques gros joueurs. Ex. 50% du commerce en ligne américain passe présentement par la plateforme Amazon.

  1. Doit-on soutenir la transformation numérique des commerçants par des programmes d’accompagnements, de transfert de connaissance (et de compétences) et un soutien financier?
  2. Doit-on encourager des solutions innovantes (privées ou publiques) qui mise plutôt sur la mutualisation de ressources et de services pour offrir aux commerçants des environnements logistiques qui les rendraient plus concurrentiels?
  3. Doit-on laisser l’initiative aux entreprises qui auront à développer compétences et financement pour rejoindre ces nouveaux marchés électroniques?


Éducation

Un peu partout à travers le monde, on voit se multiplier de nouvelles institutions d’enseignement (principalement privées), de niveau universitaire ou technique. Est-ce qu’un réseau public comme celui du Québec doit répondre avec un service concurrent (type eCampus)? Si oui, quels en seraient les principaux objectifs étant donné qu’un tel service ne pourrait jamais offrir un éventail de formations aussi large que l’offre globale disponible sur le marché en ligne?


Démocratie

Nous sommes face à un étrange paradoxe :  celui d’une société instruite comme jamais dans l’Histoire, mais en pleine crise de confiance face au pouvoir et face à ses institutions. Cela malgré tous les outils de communication et de réseautage à notre disposition. Comment les ressources numériques peuvent-elles contribuer à augmenter transparence, engagement et participation ? Comment des changements dans la gouvernance de l’État peuvent y contribuer?


Culture

Comment les nouvelles formes de diffusion des produits culturels (numériques) reconfigurent-elles notre identité culturelle? Doit-on revoir notre façon de penser et définir notre culture nationale?


Santé

Le marché des applications mobiles pullule de nouveaux outils d’aide à la santé et à la mise en forme. Un marché totalement dominé par le secteur privé; habituellement international (c’est-à-dire américain). Quel rôle cet essor pour les applications liées à la santé peut-il avoir dans notre réseau public de la santé ?


Ville et transport

Les camions de transports, les livreurs, les autobus, les taxis, les VTC, les GPS privés, les bixis, les véhicules en autopartage, accumulent chaque jour des quantités impressionnantes d’information sur nos déplacements et notre manière d’utiliser nos villes. Comment peut-on mutualiser une partie de ses informations pour mieux planifier les villes , nos transports et nos déplacements, ainsi que pour soutenir ces entreprises dans l’amélioration de leurs services?


Développement régional

Comment la popularité croissante du travail à distance et du travail autonome peuvent-ils être des alliés au développement régional?


Développement régional

Comment l’utilisation des technologies numériques peut-elle contribuer à soutenir et raffermir les économies régionales? C’est-à-dire comme la mise en réseau d’informations, de ressources, de fournisseurs, de données, etc, peut-elle créer de nouvelles opportunités économiques?


Crédit photo: rawpixel sur Unsplash

Les candidat-e-s, des militant-es numériques qui s’ignorent

Chères candidates,  chers candidats,

Durant cette campagne électorale, vous aurez la chance unique de travailler avec l’un de ces nouveaux logiciels dont se sont dotés tous les grands partis politiques. Petits bijoux qui ont pour noms « Gestion PQ », « Lib Contact », « Coaliste ». Ce sont les versions les plus récentes d’outils qui s’inspirent de nombreuses expériences électorales au Québec, au Canada et aux USA.

Ces outils recoupent bien sûr les informations issues de la liste électorale officielle du DGEQ . C’est donc dire le nom de toutes les personnes inscrites sur cette liste, avec adresse, date de naissance et sexe. À cela s’ajouteront des informations recueillies sur nous,  nos quartiers, nos catégories sociodémographiques, nos groupes d’âge, etc. Des informations tantôt produites ou tantôt achetées (ex. : des bases de données spécialisées; listes de no de téléphone domicile ou cellulaire). Dans certains cas, ce seront des informations plus directes issues d’une interaction avec votre parti ou suite à un sondage partisan qu’on aura complété un soir d’indignation  (ou d’égarement) qui vous fournira des précisions sur certaines préoccupations politiques et quelques informations personnelles complémentaires.

Vos partis politiques nous ont fichés dans leur base de données; les partis nous connaissent bien. Ce n’est pas nouveau. Le pointage électoral existe depuis belle lurette. Mais disons que depuis une dizaine d’années, le pointage s’est métamorphosé en art de la collecte et de la gestion de la donnée. Certains d’entre vous utiliseraient même l’intelligence artificielle pour cruncher ces magmas d’informations afin de dégager les profils d’électeurs prioritaires vers lesquels vous dirigerez un maximum d’effort.

N’ayez crainte, je ne vous accuserai pas de suivre les traces de Cambridge Analytica en poussant trop loin la chasse aux informations personnelles. Même si la législation vous donne beaucoup de latitude, plus en tout cas que pour les entreprises privées, il semblerait que vous restiez modeste dans la collecte, loin de ce qui se fait aux USA et en Angleterre. Notamment, que vous ne pompez pas nos réseaux sociaux. J’ai confiance que le DGEQ garde un œil (ou deux) sur vous et sur toutes ces données personnelles que vous accumulez . Quoiqu’il en soit, là n’est pas mon propos dans ce billet.

Chers candidats, chères candidates,  durant cette campagne, vous travaillerez donc avec des artistes du numérique, vous aurez la chance de voir, de vivre, de comprendre l’importance d’une gestion efficace des données dans la prise de décision, l’importance de leur analyse fine, de leur accessibilité, de leur portabilité, de la facilité de leur visualisation. En politique, il est toujours essentiel d’aller au-devant de la population pour serrer des mains, mais en 2018, c’est tout aussi essentiel (sinon plus) de bien connaître cet électeur-cette électrice, de connaître ses intentions, de devancer ses intérêts, de savoir ce qui le-la fait bouger ou reculer. Toute les informations recueillies avant et pendant la campagne vous aideront à orienter vos actions et à rafiner vos stratégies. Et à la fin de cette élection, dans votre circonscription comme dans l’ensemble de la province,  les gagnants ne seront pas nécessairement ceux-et-celles qui auront rencontré le plus d’électeurs, ni ceux-et-celles qui auront souri au plus grand nombre de bébés. Il est probable que les candidats qui auront mieux travaillé la granularité de leurs interventions marqueront le plus de points, là où ça compte vraiment.

Chères candidates, chers candidats, à la fin de cette campagne vous serez des partisans convaincus des mégadonnées. Vous en aurez l’expérience, vous en serez les bénéficiaires. Vous aurez peut-être vous-mêmes commencé à développer une culture de la donnée, par cette expérience directe. N’oubliez surtout pas ce moment. Lorsque vous serez député, ministre ou premier ministre, rappelez-vous ce moment. Rappelez-vous comment cette culture de la donnée fut importante, comment la logistique des données est importante dans l’action, dans la prise de décision, dans la compréhension de la réalité. Rappelez-vous en, car c’est à vous qu’incombera la responsabilité d’importer cette culture de la donnée dans l’appareil gouvernemental.

Développer cette culture de la donnée, ce n’est pas que promettre l’accessibilité et le partage de données (comme commence à le faire – à petits pas – le gouvernement du Québec depuis quelques années), c’est aussi et surtout de revoir la connexion des travailleurs, des fournisseurs, des intervenants et des outils de votre organisation afin de faciliter la circulation des informations (des données). C’est de mettre en place des mécanismes de monitorage, de captation, d’analyse, de production de modèles d’analyse, et de nouvelles stratégies de diffusion.

Ultimement, la culture de la donnée devrait être orientée pleinement vers le citoyen; après tout, l’État, c’est chez lui. Vous savez plus que moi à quel point le cynisme est généralisé au sein de la population. Ce cynisme est largement entretenu par le sentiment d’impuissance et de méfiance qui se développe face à un monde complexe et opaque. Ce sera votre rôle comme député.e, comme ministre, comme premier ministre de rendre le bout de monde qui est sous votre responsabilité le plus transparent, le plus accessible, le plus visible possible. Vous gagnerez en crédibilité tout autant que vous aurez aidé à rendre l’appareil d’État moins suspect, plus cohérent, et plus performant.

Le gouvernement multiplie les investissements pour encourager les entreprises à accélérer le pas dans l’utilisation de l’intelligence artificielle et la science des données; la province est un pôle d’excellence reconnu en valorisation de la donnée grâce à ses centres de recherche et la qualité de son enseignement dans ce domaine.  Lorsque vous serez élu-e, usez de votre leadership pour non seulement consolider ces initiatives, mais assurez-vous que l’appareil gouvernemental puisse profiter des percées de cette grappe émergente.

Si durant votre mandat, vous réussissez ainsi à rendre cette structure un peu plus souple, un peu plus innovante, un peu plus accessible, nous serons tous gagnants comme société.

Chers candidats, chères candidates, je vous souhaite une belle campagne électorale. Et profitez donc de cette période pour questionner un peu vos spécialistes de la donnée afin de cerner comment cette expérience très concrète du numérique pourrait vous aider dans votre action politique une fois que vous serez élus-es.


À lire:

Quelques articles sur les logiciels électoraux utilisés par les partis politiques au Québec :

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Crédit photo: Josh Riemer sur Unsplash

Les petites mains militantes

Vous avez remarqué ce matin comment l’élection avait son apparition dans la rue? D’un coup, les rues pleines d’affiches et de photos de passeport grand format. Tout cela avant même d’être officielle chez le lieutenant-gouverneur. Les petites mains militantes aiment décorer les villes et les campagnes de leur couleur; elles sont rapides et efficaces

Elle est tenace cette tradition qui veut qu’on accroche sur tous les poteaux de la province la photo de tous les candidats. Une bataille de positionnement hautement stratégique qui exige une action immédiate comme si le résultat des élections en dépendait.

Est-ce la seule façon qu’ont les partis et les candidats de se faire connaître? Pourtant, en 2018, on peut rejoindre tout un chacun directement chez lui ou chez elle. Je dirais même directement SUR lui, SUR elle.

Le CEFRIO publiait cette semaine le portrait numérique des adultes pour chaque région du Québec. On voit que globalement 91% des adultes disposent d’une connexion internet. Deux adultes sur trois possèdent un téléphone intelligent, capable théoriquement de naviguer sur Internet et de lire les fichiers audio et vidéo. Le taux de possession d’ordinateurs dépasserait 80%.

N’y aurait-il pas là assez d’espace à occuper pour nos partis politiques pour rejoindre cet océan d’électeurs avides de les voir et de les entendre? Les partis ont tout prévu; ils ont leurs équipes geeks pour alimenter les horizons électroniques et repérer bit par bit l’électeur potentiel.  Mais les petites mains militantes poursuivent quand même leur besogne de nuit, à la recherche du poteau oublié.

Cette élection sera pancarte comme elle sera Internet (et télé, et radio). Elle sera analogique comme elle sera numérique. Prouvant en cela, une fois de plus, que l’univers numérique ne zappe pas l’univers analogique. Il s’y superpose, s’y infiltre, s’y entremêle, s’y fusionne, la complète. Mais surtout, ne la remplace pas. Du moins pas totalement.

C’est sans doute pour cette raison que le livre papier, que le disque vinyle ont toujours une vie. La raison pour laquelle je continuerai à prendre mon pain chez le boulanger et non chez Amazon.

Vous cherchez une bonne raison de voter ?

Il y a du bon dans chaque crise. Et la crise politique fédérale nous a rappelé très concrètement que chaque vote était important.

On annonçant son intention de couper les subventions aux partis politiques, le gouvernement Harper nous a rappelé le chemin parcouru pour assainir les moeurs politiques au Canada et au Québec. Chaque vote compte, dit l’adage. Oui, et pas juste pour élire le député. Chaque mois, chaque vote compte et fait la différence dans la trésorerie des partis.

Alors si vous doutez de l’importance de votre vote, si vous doutez de la pertinence de voter pour un tiers-parti-qui-vous-représente-mieux-mais-qui-n’a-pas-de-chance-de-se-faire-élire, rappelez-vous que chaque mois, grâce à ce petit vote, ce parti sera mieux armé pour défendre vos convictions. Juste parce que vous lui aurez accorder un vote, un tout petit vote.

Petit rappel: au provincial, l’allocation aux partis politiques est de 0,50$ par électeur.

Voici le tableau de la répartition des allocations à la suite des dernières élections. Alors si vous hésitez à voter parce que votre vote ne fera pas de différence sur qui sera élu, rappelez-vous: ce vote fera toujours une différence… chaque mois.

Allocations partis politiques QC - DGE
Source : Directeur général des élections du Québec